dimanche 13 janvier 2008

Noël à la Réunion






Des vacances placées sous le signe de l’improvisation.

On est partis complètement à l’arrache, deux jours après l’annulation de nos visas. Tout ce qu’on savait c’est que l’île de la Réunion se prête plus à la randonnée qu’à la plage (notamment grâce au GR2, un sentier qui la traverse du nord au sud) et qu’on arrivait en pleine période touristique sans aucune réservation.

Effectivement nos premiers coups de fil une fois sur place à St-Denis ont confirmé ce qu’on craignait : les gîtes étaient soit fermés, soit complets. « Il va nous falloir une tente si on veut réussir ce GR2 » a déduit Lucas. Miracle, on était le dimanche 23 décembre, dernier moment pour faire ses achats de Noël, donc tous les magasins étaient ouverts. On a acheté une tente, deux sacs de couchages, deux nattes et deux pèlerines pour un total de 100 euros. Puis deux sandwichs aux bouchons, la spécialité de l’île, et on s’est mis en route. On a découvert le soir-même que la tente était déjà cassée, mais à part ça la qualité du matériel s’est révélée bien au-delà de nos maigres espérances.

C’était parti pour 10 jours de marche tropicale. Cirques volcaniques tout verts, gorges mystérieuses, vues incroyables, mangues à même les arbres, baignades presque aussi sauvages que certains autochtones, rougail-saucisses, palmiers-fougères, crapauds, orchidées et cloques aux pieds. Montées abruptes, soleil à coin, descentes à pic, et pluie à verse. Ascension du Piton des Neiges, et excursion prudente sur le Piton de la Fournaise, un volcan paraît-il très chatouilleux.

On a mieux fêté Noël, -sur une pelouse moelleuse et panoramique dans une abondance de biens au pied d’un sapin de fortune-, que Nouvel An, -lentilles en conserve et eau de flaque purifiée sur les flancs du volcan.

Tout a bien fini par quelques jours de playa régénérateurs à coups de snorkle, restos et bières Dodo.

samedi 12 janvier 2008

Cavale à Tana


Sacrée période de l’Avent.

Cette année point de couronne, de bougies ni de petits biscuits. A la place menaces, visites à l’ambassade suisse et réprimandes au ministère des affaires étrangères.

Bien qu’au départ la rupture de contrat s’était fait à l’amiable avec Yvonne, la directrice de l’ONG, la situation a complètement dégénéré lorsqu’elle est rentrée en Angleterre. Dur à dire si c’était la grisaille, le choc thermique ou l’agneau à la menthe. Toujours est-il qu’à peine de retour dans ses terres un signal d’alarme s’est allumé dans sa tête. « Ces journalistes veulent nuire à mon ONG ! » Forcément, on avait fait tout ce chemin rien que pour ça.

D’un tempérament à la fois sanguin et bileux, Yvonne a soudain décidé de prendre notre cas en main, -ce qu’elle aurait pu faire trois mois plus tôt et qui aurait évité bien des problèmes à tout le monde-. Passons. On a dû signer un nouveau contrat dans lequel notre visa avec l’ONG était valable jusqu’au 15 janvier et non plus jusqu’au 15 mars, comme stipulé dans le premier contrat de rupture. Pourquoi ? Ce dernier avait été signé en rouge donc il n’était pas valable… Elle en a profité pour rajouter la clause qu’on n’avait pas le droit de faire des activités journalistiques quelles qu’elles soient sous son visa. On sentait poindre la paranoïa.

Ensuite on a plus ou moins été assignés à résidence dans notre maison. Pas le droit de voyager en attendant la réponse d’autres ONG auprès desquelles elle nous pourrissait à l’avance. On devait la tenir au courant de nos activités, ce qu’on faisait, mais sans avoir grand-chose à dire vu nos restrictions de mouvement. De toute façon, on aurait pu s’en passer, vu que notre voisin, collègue et ami Owen avait été nommé rapporteur en chef de nos faits et gestes, une tâche qu’il remplissait avec un certain zèle. Pas par méchanceté, mais parce que, comme une partie des employés, il était prêt à tout pour s’épargner la colère de sa supérieure névrotique.

Une femme comme ça à la tête d’un pays ça peut conduire à des purges. A la tête d’une ONG c’est désagréable et contreproductif, mais au moins ça fait manger les familles du personnel qui a appris à faire le gros dos.

En tant que volontaire c’est plus difficile. Quand on a réalisé qu’en fait tout ce qu’Yvonne voulait c’était nous faire quitter le pays, on a fait nos valises, légué tout ce qu’on ne pouvait pas emporter à la bonne, -qui depuis nous voue une reconnaissance éternelle-, et pris le premier avion pour Tana.

Perdre le contrôle sur deux volontaires rebelles dilués dans le flot d’une capitale de plusieurs millions d’habitants ça n’a évidemment pas plu à Madame la directrice qui a immédiatement exigé qu’on aille remettre nos passeports à la représentante de l’ONG à Tana. On n’était pas très chauds. L’ambassade suisse nous a déconseillé d’obéir.

Mais dans son bureau londonien Yvonne tempêtait, écumait, clignotait de rage, rouge-blanc-noir-violet telle un caméléon furieux. Pour elle, notre refus d’obtempérer signifiait un piétinement de contrat caractérisé. Elle a appelé son ambassade, dit que la nôtre avait eu tort et menacé de mettre la police malgache à nos trousses si on n’obéissait pas à ses ordres d’ici trois jours.

Les forces de polices toutes sirènes hurlantes autour de notre hôtel, un négociateur au porte-voix nous enjoignant à sortir de nous-mêmes sans qu’ils aient à utiliser la force… c’était tentant. Mais bon, le but pour nous c’était de ralentir le bulldozer Yvonne dans sa soif de contrôle absolu, pas de se mettre en situation illégale. Cette fois-ci, l’ambassade suisse nous a conseillé d’obéir.

On a donc fini au ministère des affaires étrangères où un fonctionnaire joufflu nous a dit que le visa allait être raccourci au 15 janvier et demandé de repasser le lendemain reprendre le passeport. On a dit ok, c’était ce qui était prévu dans le second contrat qu’on avait soi-disant brisé. Mais visiblement il n’avait pas lu jusqu’au bout les directives venant de Londres. Yvonne voulait que les visas soient annulés IM-MÉ-DIA-TE-MENT. Par des canaux obscurs elle eu vent de l’erreur, et n’a pas tardé à montrer au gouvernement malgache de quel bois elle se chauffait.

Résultat : le lendemain c’est son excellence la cheffe du protocole des affaires étrangères qui nous a reçus en présence du fonctionnaire qui s’était visiblement fait salement réprimander. « Je tenais à vous expliquer en personne que Madagascar est un pays où il y a des lois et qu’il faut les respecter. Comme chez vous en Suisse je crois. » Avions-nous jamais prétendu le contraire ? Parfois il vaut mieux s’écraser.

C’était le 20 décembre, notre visa a été raccourci jusqu’au 27.

De retour dans son bureau pour régler les derniers détails, le fonctionnaire nous a confirmé qu’effectivement il y avait une erreur, et qu’à Londres quelqu’un avait passé toute la nuit au téléphone pour la faire corriger.

Game over.

Le 22 décembre on s’est envolés pour fêter Noël à la Réunion. On en est revenu le 10 janvier avec des visas de touristes. Le futur est incertain mais hors des mâchoires de l’ogre.