jeudi 3 avril 2008

Le meilleur pour la fin






Madagoutchi n’allait quand même pas se terminer sans quelques lémuriens.

Il paraît que ces mangeurs de litchis à l’œil orangé sont nos ancêtres…plutôt mimi les grands-parents. Par contre eux n’ont pas de sphincter. C’est peut-être pour ça qu’ils ne portent pas de pantalon. Merci l’évolution ! On les a vus au nord, au sud, au centre, à l’est et à l’ouest, un peu partout où nous ont emmenés les péripéties des six derniers mois.

Notre aventure sur les traces des aïeux à travers la nébuleuse des ONG prend fin. Tous les mystères ne sont pas élucidés, mais le voyage était magnifique.

On décolle samedi matin (le 5) pour Johannesbourg. Le temps d’aller voir quelques lions au Kruger et on sera de retour en Suisse. On se réjouit.

A tout bientôt pour une petite fête tropicale !

mardi 1 avril 2008

Canthigaster, baliste et compagnie







« En plongée on regarde, mais on ne touche à rien… », m’a dit l’instructeur. «…et surtout on ne se laisse toucher par rien », ai-je ajouté mentalement.

Baliste titan, gorgone, poisson-scorpion, corail de feu, requin tigre…l’Océan indien regorge de créatures à vous glacer le sang rien que par leur nom.

« C’est pas possible de plonger juste avec les poissons-clown ? »

Il paraitrait que non.

Et c’était pas plus mal.

S’il y a un monde où la nature s’est lâchée, c’est bien le monde marin. Mouchetés, rayés, quadrillés, à pois ; allongés, bombés, aplatis verticalement ou horizontalement voire carrés; noirs à points blanc, bleus à striures jaunes, verts pailleté, transparents grillagés rouge…ça battait de la nageoire dans tous les coins.

Petits canthigasters en forme de citron, gros mérous, raies ondulantes, poissons-boîte frétillants, poissons-picasso vaniteux, c’était à en faire des bulles d’admiration. Sans parler des coraux, des tortues, des nudibranches et autres anémones…

C’est comme ça que toute à cette contemplation humide, j’ai pondu un requin.

Il est sorti d’un rocher juste sous mes palmes. Tellement vite que j’ai même pas eu le temps d’avoir peur. Lui un peu plus, mais il s’est quand même offert une petite leçon de biologie humaine en tournant autour de notre groupe de plongeurs (« palanquée » comme on dit dans le jargon) avant de pointer son aileron vers des eaux plus calmes.

Vraiment sympa la plongée.
Et très bientôt (mi-fin-avril), ce sera l’occasion d’un tête-à-tête avec les perches et les caddies rouillés du fond du lac Léman.

lundi 25 février 2008

Voyage au bout de la nuit






Pleins de charme les moyens de transport sur l’Ile Rouge. Après le pousse et le doux halètement du tireur, la pirogue et les muscles saillants du pagayeur, voilà le taxi-brousse et la résilience du chauffeur.

Trajet : Antsirabe-Morondava
Distance : 532 km
Temps de route prévu : 14 heures
Temps effectué : 28 heures

14h. Départ d’Antsirabe, à peine une heure de retard sur l’horaire prévu, soit presque de l’avance. On sait que le voyage risque d’être difficile car le cyclone Ivan n’a pas tout à fait fini de démonter l’île.

19h. Pause souper avant de quitter la route goudronnée. Jusque là tout allait bien.

21h. Arrêt en pleine brousse. Le chauffeur et ses deux aides s’activent sur une roue pendant deux heures. Serrés comme des sardines, les passagers attendent patiemment.

23h.On repart, à dix à l’heure sur deux kilomètres. Bruit suspect. Nouvel Arrêt. Le chauffeur ressort quelques minutes, inspecte, puis vient se rasseoir, éteint toutes les lumières, et étend ses jambes sur le volant. Plus rien.
« - Euh…qu’est-ce qui se passe ? » hasarde-t-on.
« - Problème technique. On attend le bus de Tana et dans sept kilomètres la route est coupée.
- Deux problèmes, donc ?
- Oui, oui, deux problèmes. Bonne nuit. »

23h02. Tana est au minimum à six heures de route. On est 19 dans un mini-bus à 15 places. L’habitacle est plein de moustiques, la moitié des passagers doit porter la malaria, l’anti-moustique est sur le toit, la chaleur étouffante et la pluie battante. La nuit s’annonce excellente.

6h. Quelques minutes de sommeil et de nombreuses piqûres plus tard un taxi-brousse vide arrive de Tana. Le moteur fonctionne. Transports de joie. On abandonne le taxi-brousse cassé derrière nous.

6h20. Sept kilomètres plus tard on s’arrête derrière une file de camions et de mini-bus. On reconnaît ceux qui nous ont dépassés trois voire cinq heures plus tôt. Mauvais signe.
Un pont s’est effondré. De l’autre côté, des passagers en sens inverse connaissent le même problème. Tout le monde traverse donc le pont à pied avec ses bagages, son sac de riz ou ses poules sur la tête et on échange les véhicules.

7h. Transbordement effectué mais on ne part pas. Il faut payer une surtaxe pour le véhicule venu à la rescousse depuis Tana. Le compte n’est pas bon. Il faut attendre.

9h. Le compte n’est toujours pas bon. Pour compenser les pertes, le chauffeur décide d’embarquer de nouveaux passagers. On se retrouve à 25 dans le bus, et cinq (dont une grosse dame) sur notre banquette où à trois on était déjà serrés. Personne ne se plaint. D’ailleurs depuis le début personne n’a émis le moindre grognement qui aurait pu suggérer un mécontentement latent.

9h15 - 12h. On serpente, lentement mais sûrement, entre flaques, ornières, goudron troué, papayers déracinés, boue et ruisseaux.

13h. Le chauffeur s’arrête devant une flaque plus impressionnante que les autres. Il envoie un passager pieds-nus en mesurer la profondeur. L’eau ne lui arrive même pas aux genoux, on continue.

13h30. Encore une énorme flaque. Cette fois l’eau arrive aux cuisses du passager sondeur. Tout le monde descend, enlève ses chaussures et se met à pousser.

16h. Morondava n’est plus qu’à dix kilomètres, mais un trou béant dans le bitume bloque tout le trafic. On considère l’option de finir à pieds.

17h. Le chauffeur décide de braver la boue pour contourner le trou puis de remonter sur la route. Opération réussie grâce à une quarantaine de personnes qui viennent prêter main forte.

17h30. Arrivée à Morondava. La ville est elle aussi sous l’eau et la marée haute n’aide pas. On rejoint l’hôtel à pieds nus.

19h. Brochettes de crevettes et comprimé de Lariam. On verra dans 6 jours (temps d’incubation du palu) si le médicament est efficace.

mercredi 20 février 2008

Pirogue






Alors que notre départ pour Morondava est retardé pour cause de cyclone, - 3 jours qu’il pleut sans s’arrêter-, j’en profite pour mettre quelques photos de notre tour en pirogue sur les Pangalanes.

C’est un canal qui relie les lacs qui bordent la côte Est de Madagascar sur près de 600 km. On y rencontre surtout des pêcheurs qui vivent sur la bande de terre entre le canal et l’océan. La pirogue est leur unique moyen de transport. Ils alternent entre la pêche en eau douce et la pêche en mer. Ça c’est plutôt une affaire d’hommes, et d’hommes bien couillus vu qu’il s’agit d’affronter rouleaux et requins et que les retournements sont fréquents. C’est pour ça qu’ils mettent toutes leurs prises dans un sac fermé attaché au bateau.

Les femmes s’occupent de la pêche à la crevette d’eau douce. Elles mettent des bruyères dans l’eau en attendant que les crustacés viennent s’y réfugier. Ensuite elles ramassent le tout avec des moustiquaires (distribuées par les ONG pour la lutte contre la malaria) reconverties en filets de pêche. C’est pas de tout repos non plus parce qu’il paraît qu’il y a des crocodiles de cinq mètres qui flottent entre deux eaux.

Ça a d’ailleurs gâché une de nos baignades prévues dans le programme parce que juste avant d’arriver au lieu-dit, un des piroguiers a vu un croco, un gros. Nous on l’a pas vu, mais dans le doute on l’a cru.

On a mis quatre jours pour aller de Manakara à Mananjary en mangeant des poissons et des crabes géants achetés dans les villages ou directement au pêcheur dans sa pirogue. Il flottait une atmosphère d'une autre époque, quelque part entre le Moyen-Âge et l’ère coloniale. On était parfois un peu gênés: trois touristes qui se cachaient des rayons du soleil sous des parapluies tandis que cinq Malgaches à torse nu pagayaient en chantant et devaient mettre les bouchées doubles vu que nos ombrelles faisaient résistance. Alors on pagayait un peu au coucher du soleil pour se donner bonne conscience.

dimanche 10 février 2008

Pousse-pousse







En attendant que la collaboration avec la DDC se concrétise, on s’est lancés dans un petit documentaire sur les pousses-pousses à Antsirabe. Voilà 10 jours qu’on est dans cette ville au sud de Tana et qu’on se fait promener dans ces mini-charrettes à hommes.

Lucas se la joue réalisateur et s’occupe de la caméra, tandis que moi je questionne les intervenants et je fais la petite main (lumière, gestion des flopées de gamins qui se jettent sur le matériel, conduite de 4X4 en essayant de ne tuer ni le cameraman sur le toit, ni le cul-de-jatte à même la route, etc.). On a suivi le quotidien de deux tireurs et attrapé quelques puces dans la foulée. C’était super intéressant, mais un peu difficile au niveau de la communication vu leur français limité et notre malgache de débutants.

On a presque fini le tournage et on va s’attaquer au montage, ce qui promet un travail de longue haleine vu qu’on a plus de 15 heures de film à condenser en environ 30 minutes.

samedi 2 février 2008

Back to work



Youhouhouuu !

A force de se soigner à coup de vacances, on a fini par retrouver du travail.

La même chose qu’on était censés faire à Fort-Dauphin: du développement des communications, mais cette fois pour un projet sponsorisé par la DDC. On doit aider à former des « correspondants ruraux » dans les régions de Morondava (ouest) et Fianarantsoa (centre), et contribuer à mettre sur pied une émission de prévention du Sida. On sera basés à Tana et on fera des missions depuis là.

Ça a l’air très intéressant mais c’est encore assez peu défini… un peu la même situation de départ qu’avec ALT, que Dieu nous garde ! Petite différence cependant : la directrice du projet a l’air tout à fait saine d’esprit.

dimanche 13 janvier 2008

Noël à la Réunion






Des vacances placées sous le signe de l’improvisation.

On est partis complètement à l’arrache, deux jours après l’annulation de nos visas. Tout ce qu’on savait c’est que l’île de la Réunion se prête plus à la randonnée qu’à la plage (notamment grâce au GR2, un sentier qui la traverse du nord au sud) et qu’on arrivait en pleine période touristique sans aucune réservation.

Effectivement nos premiers coups de fil une fois sur place à St-Denis ont confirmé ce qu’on craignait : les gîtes étaient soit fermés, soit complets. « Il va nous falloir une tente si on veut réussir ce GR2 » a déduit Lucas. Miracle, on était le dimanche 23 décembre, dernier moment pour faire ses achats de Noël, donc tous les magasins étaient ouverts. On a acheté une tente, deux sacs de couchages, deux nattes et deux pèlerines pour un total de 100 euros. Puis deux sandwichs aux bouchons, la spécialité de l’île, et on s’est mis en route. On a découvert le soir-même que la tente était déjà cassée, mais à part ça la qualité du matériel s’est révélée bien au-delà de nos maigres espérances.

C’était parti pour 10 jours de marche tropicale. Cirques volcaniques tout verts, gorges mystérieuses, vues incroyables, mangues à même les arbres, baignades presque aussi sauvages que certains autochtones, rougail-saucisses, palmiers-fougères, crapauds, orchidées et cloques aux pieds. Montées abruptes, soleil à coin, descentes à pic, et pluie à verse. Ascension du Piton des Neiges, et excursion prudente sur le Piton de la Fournaise, un volcan paraît-il très chatouilleux.

On a mieux fêté Noël, -sur une pelouse moelleuse et panoramique dans une abondance de biens au pied d’un sapin de fortune-, que Nouvel An, -lentilles en conserve et eau de flaque purifiée sur les flancs du volcan.

Tout a bien fini par quelques jours de playa régénérateurs à coups de snorkle, restos et bières Dodo.

samedi 12 janvier 2008

Cavale à Tana


Sacrée période de l’Avent.

Cette année point de couronne, de bougies ni de petits biscuits. A la place menaces, visites à l’ambassade suisse et réprimandes au ministère des affaires étrangères.

Bien qu’au départ la rupture de contrat s’était fait à l’amiable avec Yvonne, la directrice de l’ONG, la situation a complètement dégénéré lorsqu’elle est rentrée en Angleterre. Dur à dire si c’était la grisaille, le choc thermique ou l’agneau à la menthe. Toujours est-il qu’à peine de retour dans ses terres un signal d’alarme s’est allumé dans sa tête. « Ces journalistes veulent nuire à mon ONG ! » Forcément, on avait fait tout ce chemin rien que pour ça.

D’un tempérament à la fois sanguin et bileux, Yvonne a soudain décidé de prendre notre cas en main, -ce qu’elle aurait pu faire trois mois plus tôt et qui aurait évité bien des problèmes à tout le monde-. Passons. On a dû signer un nouveau contrat dans lequel notre visa avec l’ONG était valable jusqu’au 15 janvier et non plus jusqu’au 15 mars, comme stipulé dans le premier contrat de rupture. Pourquoi ? Ce dernier avait été signé en rouge donc il n’était pas valable… Elle en a profité pour rajouter la clause qu’on n’avait pas le droit de faire des activités journalistiques quelles qu’elles soient sous son visa. On sentait poindre la paranoïa.

Ensuite on a plus ou moins été assignés à résidence dans notre maison. Pas le droit de voyager en attendant la réponse d’autres ONG auprès desquelles elle nous pourrissait à l’avance. On devait la tenir au courant de nos activités, ce qu’on faisait, mais sans avoir grand-chose à dire vu nos restrictions de mouvement. De toute façon, on aurait pu s’en passer, vu que notre voisin, collègue et ami Owen avait été nommé rapporteur en chef de nos faits et gestes, une tâche qu’il remplissait avec un certain zèle. Pas par méchanceté, mais parce que, comme une partie des employés, il était prêt à tout pour s’épargner la colère de sa supérieure névrotique.

Une femme comme ça à la tête d’un pays ça peut conduire à des purges. A la tête d’une ONG c’est désagréable et contreproductif, mais au moins ça fait manger les familles du personnel qui a appris à faire le gros dos.

En tant que volontaire c’est plus difficile. Quand on a réalisé qu’en fait tout ce qu’Yvonne voulait c’était nous faire quitter le pays, on a fait nos valises, légué tout ce qu’on ne pouvait pas emporter à la bonne, -qui depuis nous voue une reconnaissance éternelle-, et pris le premier avion pour Tana.

Perdre le contrôle sur deux volontaires rebelles dilués dans le flot d’une capitale de plusieurs millions d’habitants ça n’a évidemment pas plu à Madame la directrice qui a immédiatement exigé qu’on aille remettre nos passeports à la représentante de l’ONG à Tana. On n’était pas très chauds. L’ambassade suisse nous a déconseillé d’obéir.

Mais dans son bureau londonien Yvonne tempêtait, écumait, clignotait de rage, rouge-blanc-noir-violet telle un caméléon furieux. Pour elle, notre refus d’obtempérer signifiait un piétinement de contrat caractérisé. Elle a appelé son ambassade, dit que la nôtre avait eu tort et menacé de mettre la police malgache à nos trousses si on n’obéissait pas à ses ordres d’ici trois jours.

Les forces de polices toutes sirènes hurlantes autour de notre hôtel, un négociateur au porte-voix nous enjoignant à sortir de nous-mêmes sans qu’ils aient à utiliser la force… c’était tentant. Mais bon, le but pour nous c’était de ralentir le bulldozer Yvonne dans sa soif de contrôle absolu, pas de se mettre en situation illégale. Cette fois-ci, l’ambassade suisse nous a conseillé d’obéir.

On a donc fini au ministère des affaires étrangères où un fonctionnaire joufflu nous a dit que le visa allait être raccourci au 15 janvier et demandé de repasser le lendemain reprendre le passeport. On a dit ok, c’était ce qui était prévu dans le second contrat qu’on avait soi-disant brisé. Mais visiblement il n’avait pas lu jusqu’au bout les directives venant de Londres. Yvonne voulait que les visas soient annulés IM-MÉ-DIA-TE-MENT. Par des canaux obscurs elle eu vent de l’erreur, et n’a pas tardé à montrer au gouvernement malgache de quel bois elle se chauffait.

Résultat : le lendemain c’est son excellence la cheffe du protocole des affaires étrangères qui nous a reçus en présence du fonctionnaire qui s’était visiblement fait salement réprimander. « Je tenais à vous expliquer en personne que Madagascar est un pays où il y a des lois et qu’il faut les respecter. Comme chez vous en Suisse je crois. » Avions-nous jamais prétendu le contraire ? Parfois il vaut mieux s’écraser.

C’était le 20 décembre, notre visa a été raccourci jusqu’au 27.

De retour dans son bureau pour régler les derniers détails, le fonctionnaire nous a confirmé qu’effectivement il y avait une erreur, et qu’à Londres quelqu’un avait passé toute la nuit au téléphone pour la faire corriger.

Game over.

Le 22 décembre on s’est envolés pour fêter Noël à la Réunion. On en est revenu le 10 janvier avec des visas de touristes. Le futur est incertain mais hors des mâchoires de l’ogre.