lundi 25 février 2008

Voyage au bout de la nuit






Pleins de charme les moyens de transport sur l’Ile Rouge. Après le pousse et le doux halètement du tireur, la pirogue et les muscles saillants du pagayeur, voilà le taxi-brousse et la résilience du chauffeur.

Trajet : Antsirabe-Morondava
Distance : 532 km
Temps de route prévu : 14 heures
Temps effectué : 28 heures

14h. Départ d’Antsirabe, à peine une heure de retard sur l’horaire prévu, soit presque de l’avance. On sait que le voyage risque d’être difficile car le cyclone Ivan n’a pas tout à fait fini de démonter l’île.

19h. Pause souper avant de quitter la route goudronnée. Jusque là tout allait bien.

21h. Arrêt en pleine brousse. Le chauffeur et ses deux aides s’activent sur une roue pendant deux heures. Serrés comme des sardines, les passagers attendent patiemment.

23h.On repart, à dix à l’heure sur deux kilomètres. Bruit suspect. Nouvel Arrêt. Le chauffeur ressort quelques minutes, inspecte, puis vient se rasseoir, éteint toutes les lumières, et étend ses jambes sur le volant. Plus rien.
« - Euh…qu’est-ce qui se passe ? » hasarde-t-on.
« - Problème technique. On attend le bus de Tana et dans sept kilomètres la route est coupée.
- Deux problèmes, donc ?
- Oui, oui, deux problèmes. Bonne nuit. »

23h02. Tana est au minimum à six heures de route. On est 19 dans un mini-bus à 15 places. L’habitacle est plein de moustiques, la moitié des passagers doit porter la malaria, l’anti-moustique est sur le toit, la chaleur étouffante et la pluie battante. La nuit s’annonce excellente.

6h. Quelques minutes de sommeil et de nombreuses piqûres plus tard un taxi-brousse vide arrive de Tana. Le moteur fonctionne. Transports de joie. On abandonne le taxi-brousse cassé derrière nous.

6h20. Sept kilomètres plus tard on s’arrête derrière une file de camions et de mini-bus. On reconnaît ceux qui nous ont dépassés trois voire cinq heures plus tôt. Mauvais signe.
Un pont s’est effondré. De l’autre côté, des passagers en sens inverse connaissent le même problème. Tout le monde traverse donc le pont à pied avec ses bagages, son sac de riz ou ses poules sur la tête et on échange les véhicules.

7h. Transbordement effectué mais on ne part pas. Il faut payer une surtaxe pour le véhicule venu à la rescousse depuis Tana. Le compte n’est pas bon. Il faut attendre.

9h. Le compte n’est toujours pas bon. Pour compenser les pertes, le chauffeur décide d’embarquer de nouveaux passagers. On se retrouve à 25 dans le bus, et cinq (dont une grosse dame) sur notre banquette où à trois on était déjà serrés. Personne ne se plaint. D’ailleurs depuis le début personne n’a émis le moindre grognement qui aurait pu suggérer un mécontentement latent.

9h15 - 12h. On serpente, lentement mais sûrement, entre flaques, ornières, goudron troué, papayers déracinés, boue et ruisseaux.

13h. Le chauffeur s’arrête devant une flaque plus impressionnante que les autres. Il envoie un passager pieds-nus en mesurer la profondeur. L’eau ne lui arrive même pas aux genoux, on continue.

13h30. Encore une énorme flaque. Cette fois l’eau arrive aux cuisses du passager sondeur. Tout le monde descend, enlève ses chaussures et se met à pousser.

16h. Morondava n’est plus qu’à dix kilomètres, mais un trou béant dans le bitume bloque tout le trafic. On considère l’option de finir à pieds.

17h. Le chauffeur décide de braver la boue pour contourner le trou puis de remonter sur la route. Opération réussie grâce à une quarantaine de personnes qui viennent prêter main forte.

17h30. Arrivée à Morondava. La ville est elle aussi sous l’eau et la marée haute n’aide pas. On rejoint l’hôtel à pieds nus.

19h. Brochettes de crevettes et comprimé de Lariam. On verra dans 6 jours (temps d’incubation du palu) si le médicament est efficace.

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