samedi 7 décembre 2013

Le (ra)goût du ver à soie

 

De pupes de ver à soie, plus précisément. Servir tiède.
On a goûté.


Ca a l'air affreux comme ça, mais en fait c'est pas si mauvais.
Ca croque mollement au début (la carapace bouillie) et ensuite c'est pâteux avec un goût de châtaigne. L'arrière-goût vient après. Comme du carton imbibé de miel et de sauce d'huîtres qui aurait passé l'hiver dans une cave humide. Tout ça dans des effluves doucereuses d'insecte cuit. Pas canon, donc.

Normalement, la portion de vers à soie à grignoter dans la rue s'achète par gobelet de deux décilitres. Soit une bonne trentaine de larves. Prudemment, on avait pris une option auprès de la vendeuse et on a pu repartir avec des châtaignes à la place.

Mais on ne peut pas toujours tout prévoir. La cuisine coréenne est pleine de surprises. Quand on commande une crêpe aux oignons verts, ça arrive avec des morceaux de tentacules violets qui dépassent et des escargots de mer en entrée. Ces jolis coquillages en colimaçon qui me faisaient rêver quand j'étais petite, mais qui perdent de leur féérie quand il faut manger l'habitant: un truc tacheté, gommeux et tout entortillé. Ou alors c'est les brochettes de coeur de poulet et le rectangle de peau de vache qui débarquent sur notre grill de table alors qu'on avait demandé un steak. La plupart du temps on goûte. 

Il y a aussi de bonnes surprises, comme le ssanbap.

 
29 petites portions d'émincé de porc au cachuètes, de mini-poissons séchés caramélisés avec des noix, de kimchi, de radis marinés, de galette de patates et autres huîtres en sauce rouge à combiner à volonté et manger enroulées dans des feuilles d'arbres cuites à la vapeur.
 
Pour l'instant on n'est pas malades. 
 

jeudi 5 décembre 2013

Il a neigé des calamars




La première chose qu'on s'est dit en visitant le marché aux poissons de Busan (en Corée donc, puisqu'on a quitté le Japon il y a quelques jours), c'est que s'il y a une espèce qui n'est pas en voie d'extinction, c'est bien le calamar.

Un bateau est arrivé rempli de ces créatures et les hommes se sont mis à décharger des cageots à n'en plus finir, tandis que les femmes en étalaient le contenu à même le béton sur une couche de vingt centimètres. Elles se promenaient ensuite en bottes de caoutchouc à travers cette masse blanchâtre pour en retirer les poissons pris dedans. Je ne sais pas à quoi les calamars étaient destinés mais probablement pas à des restaurants chics. Plusieurs d'entre eux avaient été tellement écrasés pendant le transport qu'ils avaient encore la marque du cageot et n'étaient franchement pas très appétissants. On découvrira peut-être dans quelques jours qu'il existe en Corée l'équivalent du "Parfait" à base de calamar...


En tout cas on en a vu des bêtes sous-marines.



A écailles

A coquille

Appétissantes


Repoussantes

Voire inconnues au bataillon
Il y en avait pour tous les goûts

Mais le plus marrant c'était les poulpes et leurs tentatives d'évasions. La vendeuse ne savait plus où donner de la tête: quand elle en rattrappait un d'un côté du seau, il y en avait trois qui s'échappaient de l'autre côté. Et mine de rien ça avance vite ces bestioles.
 
 
Pauvres pieuvres, entassées dans ce baquet! J'aurais bien eu envie de les aider à regagner la mer à une vingtaine de mètres, mais déjà j'aurais pas su par où les attraper, et surtout ça aurait été le lynchage immédiat. Contrairement aux Japonais tellement réservés, les Coréens ont le sang chaud. L'autre jour, on a vu le gardien du parking d'un magasin de luxe extraire de force un conducteur de sa voiture (qui essayait visiblement de se garer au mauvais endroit). Il lui a ensuite donné des coups de boule, jusqu'à ce que ses collègues le maîtrisent. Il paraît qu'ici, Harmonie et Hiérarchie sont la clé pour des relations sociales réussies, on va donc rester à notre place de modeste touriste.
 

mardi 12 novembre 2013

Shikoku la coriace


 
Ca semblait être une bonne idée. On allait éviter l'enfer des camions en allant de Kyoto à Hiroshima non par Osaka et Kobe, mais par l'île de Shikoku. Au final c'était top, mais nos mollets n'en sont pas encore remis.


Tout a commencé par une montée couillue mais jolie dans les feuillages d'automne, avec un col à style 800m. (Quand on part du niveau de la mer et avec des vélos qui doivent peser dans les 40 kilos, ça fait pas mal). On avait vu juste. Presque plus de circulation du tout, sauf une ou deux bétonneuses, puisque le bétonnage de la nature est presque un sport national au Japon. On se retrouve dans des villages où des poupées à taille humaine peuplent des maisons désertes.


Tout le monde est parti?
Non non, nous fait comprendre un panneau.

 
Eh oui, les vallées de l'est de Shikoku sont maintenant le royaume de vieilles dames sur des déambulateurs électriques. On peut les observer bien concentrées sur leur engin, faire des kilomètres sur les routes tortueuses pour aller chercher des nouilles au village voisin. Elles sont très calmes mais veillent au grain. On ne saura jamais laquelle a envoyé le flic du village sur notre lieu de camping sauvage...


Il est arrivé avec sa lampe de poche sans faire de bruit alors qu'on cuisait tranquillement nos pâtes au bord d'un feu, en nous préparant pour le col du lendemain à plus de 1400 mètres. La mort dans l'âme on se voyait déjà démonter la tente et partir à la recherche d'un nouveau terrain dans la nuit.

Son anglais n'était pas meilleur que notre japonais, la communication s'annonçait difficile. Il s'est alors mis à faire traduire des phrases à son Iphone. Ca a pris un moment et on craignait le pire. Il nous montre son écran: "Be careful not to catch cold". Soupir de soulagement. On n'était pas si mal barrés. Il a ensuite annoncé la mauvaise nouvelle: notre col était fermé à cause d'un glissement de terrain. Il fallait redescendre, contourner la vallée et remonter de l'autre côté. Rhaaaa ! Heureusement que les vues en valaient la peine.

 
Mais on ne voulait pas se laisser pas faire comme ça. Notre mini-atlas japonais indiquait la possibilité de rejoindre le col par des chemins de forêt sans redescendre tout en bas. On se lance pleins d'espoir. Après une heure de montée, une dame s'arrête en voiture et nous fait le signe qu'on redoute comme la peste: un "x" avec les deux index, synonyme d'un non catégorique. Cette route aussi est bloquée. Damned! On se résigne alors à faire le détour, nos mollets ne sont pas à ça près. On descend 30 kilomètres et on se lance dans une remontée de 45 kilomètres. On campe à mi-chemin. Tout semble avoir repris son cours. Manque de chance, l'un des sushis de midi n'était pas frais. Je vous passe les détails, mais l'intoxication alimentaire en camping sauvage c'est quelque chose.

 
Troisième jour. Plus que 1000 mètres de dénivelé. On va bien l'atteindre, ce col. Après la nuit que j'ai passée, je suis comme la tortue qui n'a pas su partir à point. Deux sucres de raisin retrouvés au fond d'une poche et quelques pauses à même la route me sauvent la mise. En haut c'est la terre promise: un hôtel nous attend, perdu au milieu des érables. On craque aussitôt. Quel luxe d'avoir un vrai lit, l'eau courante et même des toilettes dans la chambre!

 
Le lendemain c'est la récompense. Une journée avec presque uniquement de la descente et la visite de ce qu'on cherchait à atteindre depuis tout ce temps: deux ponts en lianes construits vers le 11ème siècle par des proches de l'Empereur tombés en disgrâce et venus se réfugier dans cette jungle. Vu les efforts qu'on avait faits pour y arriver, ça avait intérêt à valoir la peine. Miracle, c'était le cas.  

 
Mais on n'était pas au bout de nos peines. On a passé encore trois jours à serpenter, monter et descendre sur les routes de Shikoku avant de se faire recracher par la montagne à travers un tunnel de 5 kilomètres. Trop beau de retrouver la mer, les mandariniers et les routes toutes plates.
 
 
On renoue avec les joies du camping au bord de la mer
 
 
On se fait de nouveaux amis


Et on quitte Shikoku suspendus entre ciel et mer

 

lundi 11 novembre 2013

Coups de fil d’Hiroshima

 
Quand on arrive dans une grande ville, on quitte momentanément notre tente pour une chambre avec tatami et on en profite pour appeler nos proches. Depuis Hiroshima c’était pas triste: « Qu’est-ce qu’on est bien venus faire à Hiroshima ? Mais grand-maman, ça fait 68 ans que la bombe a explosé, depuis c’est redevenu une ville agréable, il y a de belles terrasses sous les arbres le long des canaux. Oui oui, il y a des arbres. Mais oui, il y a des feuilles qui poussent sur ces arbres ! » Le père ensuite : «Mais vous avez trouvé où loger ? – Papa, ça fait presque 70 ans, tout a été reconstruit depuis. Il y a tous les hôtels que tu veux ! » La mère enfin : « Quoi, vous avez mangé des huîtres? Elles étaient pas complètement radioactives ? – Ben c'est la spécialité du coin, et à voir le nombre de gens qui en mangeaient, ça donnait plutôt confiance...»
 
C’est vrai qu’à la base j’aurais pas forcément pensé venir par Hiroshima. Comme le guide n'en disait que du bien, on est allés voir. En arrivant je trouvais bizarre de voir tous ces immeubles en pensant qu’il y a quelques décennies il ne restait plus rien. J’avais presque envie d’aborder les gens dans la rue pour leur dire à quel point ça me faisait de la peine ce qui leur est arrivé. Sauf qu’eux ils avaient l’air tout sauf désolés. En fait Hiroshima est redevenue une ville comme une autre depuis bien longtemps.

Je dis pas ça pour sous-estimer les horreurs de la bombe atomique. On est allés visiter le mémorial qui raconte comment les Américains avaient sélectionné une douzaine de villes « candidates », toutes sur un terrain plat, afin que l'arme puisse montrer sa puissance sans être limitée par des obstacles géographiques. Ils avaient alors suspendu les bombardements sur ces villes, pour qu’on puisse voir ce qu’une seule bombe était capable de détruire en une seule fois. Ils avaient ensuite choisi quatre « finalistes ». Hiroshima était la cible privilégiée car elle avait toujours été un haut lieu de l’armée japonaise et qu’il n’y avait pas de camps de prisonniers alliés. Le matin du 6 août 1945, comme il faisait beau et qu’on voyait bien le pont qui servait de cible au centre ville, ils ont largué la bombe. Lorsqu’elle a explosé, la température est montée jusqu'à 4000 degrés. Les gens ont été brûlés, les bâtiments ont pris feu, et même les tuiles (en terre cuite) ont fondu. Dans le musée on peut voir quelques objets qui appartenaient aux victimes : du riz carbonisé dans une boîte en alu, un tricycle rouillé qu’un papa a enterré avec son petit garçon pour qu’il ne soit pas seul dans sa tombe, et de la peau et des ongles d’un écolier conservés par sa mère...

Sur-glauque. 
    
Mais maintenant de l’eau a coulé sous les ponts. La ville a été entièrement reconstruite, c’est même celle qui a les plus jolies terrasses du Japon. Des Américains jouent dans l’équipe de baseball des Carpes d’Hiroshima. Il y a des pêcheurs au bord des rivières, des mamans avec des poussettes et des écoliers tous les coins de rue. Bref, Hiroshima c'est une ville qui vit, et plutôt gaiment.

vendredi 25 octobre 2013

La leçon de sumo

 
Non, alors on n'a pas enfilé nous-même la traditionnelle culotte des lutteurs de sumo, par contre on a pu assister à un de leurs entraînements dans un local de Tokyo. A 7 heures du matin, un peu perdus dans un quartier résidentiel, on se demandait si on avait bien compris les explications, mais quand on a vu arriver un énorme mec à chignon dans son kimono, on s'est dit que ça s'annonçait bien. Au lieu d'entrer par la porte, ce gars qui devait faire pas loin de deux mètres a ouvert une petite porte coulissante d'environ 70 centimètres de haut et s'y est glissé comme dans une chattière. Première impression: les sumos sont hyper souples. Il faut les voir faire le grand écart ou lever la jambe quasiment à la verticale en se tapant sur les cuisses.
 
 
A ce qu'on a compris, les lutteurs (ou rikishi pour les spécialistes) appartiennent à différentes écuries, comme en Formule 1. La nôtre comptait une petite dizaine de "poulains" avec des gabarits assez différents. Certains étaient vraiment gros avec de la cellulite, et d'autres surtout grands et baraqués. Le plus énorme c'était le patron, qui visiblement est un ancien champion vénéré par ses lutteurs. Quand il est entré, les sumos l'ont tous salués d'un grand "DOSHH!". Il s'est ensuite assis sur le coussin monumental qui lui était réservé au centre de la salle. Chacun leur tour, ses protégés sont venus lui faire une courbette et lui dire quelques mots en se plaçant au dessous de lui. Le monde du sumo respecte à fond la hiérarchie et les traditions. C'étaient toujours les deux plus petits qui passaient le balais lorsque le cercle de terre battue était trop labouré. Et là aussi il y avait des règles à suivre: un premier balayage circulaire comme avec un compas, puis des petits arc de cercle en reculant.

 
 
Les exercices non plus n'ont pas dû tellement évoluer depuis le temps des samouraï. Pour la musculation, les sumos n'utilisent pas des haltères mais des espèces de marteaux et un tronc vertical comme punching-ball. Ils ont passé une heure à travailler leur force et leur souplesse, puis ils sont passé au corps à corps. Il n'y a eu aucun combat, par contre ils se sont entraînés deux par deux à pousser l'autre jusqu'à ce qu'il glisse hors du cercle. Ils répétaient le mouvement jusqu'à ce que le pousseur se retrouve à bout de force et se mette à faire des râles d'épuisement.

 
Le patron a aussi participé en appuyant un sac de sable sur le dos d'une jeune recrue qui faisait des pompes. Là aussi ils ont continué jusqu'à ce que le sumo soit au bord de l'évanouissement. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'est pas juste un monde de gros nounours, le sumo. Mais c'est pas un monde de brutes épaisses non plus. Ceux avec qui on a échangé trois mots parlaient mieux l'anglais que la plupart des Japonais. L'entraînement s'est terminé avec une danse bon enfant à la queue leu leu autour du cercle, petits marteaux à la main. Sous le charme, j'ai pas pu résister d'aller faire la groupie.

  

lundi 30 septembre 2013

Premiers coups de pédale sur Honshu

 
 
Voilà presque 10 jours qu'on a changé d'île et qu'on pédale sur Honshu. Ca monte et ça descend beaucoup plus raide que sur Hokkaido. Les vaches ont disparu et l'agriculture se concentre sur le riz, ce qui donne des champs jaune-vert fluo un peu partout. C'est justement le moment des récoltes.


On a mis 7 jours pour aller de Oma (tout au nord) à Akita (côte ouest) en passant par deux lacs de cratère. J'ai l'impression que mes mollets ont doublé de volume entre le dénivelé et le poids du vélo, mais ça en valait la peine, les paysages étaient magnifiques et la météo sublime.


Côté végétation, c'est toujours aussi vert que sur Hokkaido mais avec un look plus tropical. On a d'ailleurs croisé une colonie de babouins. Avec les lianes qui pendent des arbres on a l'impression de traverser la jungle sur un goudron parfait.
 

On voit aussi apparaître des bâtiments historiques comme des anciens temples, des châteaux ou des maisons de samouraï, ce qu'il n'y avait pas plus au nord, vu qu'Hokkaido n'intéressait pas les seigneurs japonais à l'époque où ils construisaient tout ça.


De leur côté, les locaux voient parfois un monticule vert sortir de terre à l'écart des routes: notre tente qu'on continue à planter un peu partout. Le Japon se prête super bien au camping sauvage. Il y a plein de petits parcs déserts avec de l'eau courante et très souvent des toilettes. Mais le meilleur c'est les onsen, ces sources d'eau chaude qu'on rencontre quasiment chaque jour. Pour 5 francs on a la douche, les bains thermaux et le shampooing, après-shampooing et savon Shisheido, tout ça dans un cadre bucolique. Une pure merveille et on n'a jamais été aussi propres pendant un voyage à vélo.

  

vendredi 20 septembre 2013

Traversée du Daisetsuzan

Notre première expérience du trek à la japonaise. Cinq jours de marche dans le plus grand parc national du pays, de l'Asahi Dake au Tokachi Dake, les deux principaux volcans de l'île d'Hokkaido. En bref:
 

L'Asahi Dake
 
 
Les panneaux sont uniquement en japonais. Au début ça surprend mais on s'y habitue.
 
 
 
La météo change vite et souvent: le premier soir on a dû construire un mur pour protéger la tente d'un vent hyperviolent. On commence à être bien maîtriser le mode "survie en conditions humides".
 
 
Il y a aussi des petits refuges à disposition, sommaires et souvent plus jolis de l'extérieur que de l'intérieur. La plupart n'ont pas de gardien et sont gratuits. Il y a juste un sol en formica sur lequel on peut dérouler sa natte et installer son réchaud.
 
 
Pas mal, mais un peu trop d'araignées à mon goût

 
Plus on se lève tôt, plus on a de chances d'avoir de belles vues. Les marcheurs japonais déjeunent à 4 heures du matin. On les a imités.
 
 
 
 
On a croisé quelques traces d'ours bruns mais sans jamais en voir. Les locaux n'ont pas l'air trop inquiets. Ils marchent tous avec des clochettes, mais dorment avec la nourriture dans la tente.
 
 
 
Dernière montée sur le Tokachi Dake, un volcan très actif. Des fumeroles s'échappent avec des bruits forts, tandis que le vent amène des odeurs de soufre.
 
 
 
 
Redescente dans des vallées moins sèches. Onsen et sushis pour se récompenser. Les treks japonais ont du bon.