lundi 11 novembre 2013

Coups de fil d’Hiroshima

 
Quand on arrive dans une grande ville, on quitte momentanément notre tente pour une chambre avec tatami et on en profite pour appeler nos proches. Depuis Hiroshima c’était pas triste: « Qu’est-ce qu’on est bien venus faire à Hiroshima ? Mais grand-maman, ça fait 68 ans que la bombe a explosé, depuis c’est redevenu une ville agréable, il y a de belles terrasses sous les arbres le long des canaux. Oui oui, il y a des arbres. Mais oui, il y a des feuilles qui poussent sur ces arbres ! » Le père ensuite : «Mais vous avez trouvé où loger ? – Papa, ça fait presque 70 ans, tout a été reconstruit depuis. Il y a tous les hôtels que tu veux ! » La mère enfin : « Quoi, vous avez mangé des huîtres? Elles étaient pas complètement radioactives ? – Ben c'est la spécialité du coin, et à voir le nombre de gens qui en mangeaient, ça donnait plutôt confiance...»
 
C’est vrai qu’à la base j’aurais pas forcément pensé venir par Hiroshima. Comme le guide n'en disait que du bien, on est allés voir. En arrivant je trouvais bizarre de voir tous ces immeubles en pensant qu’il y a quelques décennies il ne restait plus rien. J’avais presque envie d’aborder les gens dans la rue pour leur dire à quel point ça me faisait de la peine ce qui leur est arrivé. Sauf qu’eux ils avaient l’air tout sauf désolés. En fait Hiroshima est redevenue une ville comme une autre depuis bien longtemps.

Je dis pas ça pour sous-estimer les horreurs de la bombe atomique. On est allés visiter le mémorial qui raconte comment les Américains avaient sélectionné une douzaine de villes « candidates », toutes sur un terrain plat, afin que l'arme puisse montrer sa puissance sans être limitée par des obstacles géographiques. Ils avaient alors suspendu les bombardements sur ces villes, pour qu’on puisse voir ce qu’une seule bombe était capable de détruire en une seule fois. Ils avaient ensuite choisi quatre « finalistes ». Hiroshima était la cible privilégiée car elle avait toujours été un haut lieu de l’armée japonaise et qu’il n’y avait pas de camps de prisonniers alliés. Le matin du 6 août 1945, comme il faisait beau et qu’on voyait bien le pont qui servait de cible au centre ville, ils ont largué la bombe. Lorsqu’elle a explosé, la température est montée jusqu'à 4000 degrés. Les gens ont été brûlés, les bâtiments ont pris feu, et même les tuiles (en terre cuite) ont fondu. Dans le musée on peut voir quelques objets qui appartenaient aux victimes : du riz carbonisé dans une boîte en alu, un tricycle rouillé qu’un papa a enterré avec son petit garçon pour qu’il ne soit pas seul dans sa tombe, et de la peau et des ongles d’un écolier conservés par sa mère...

Sur-glauque. 
    
Mais maintenant de l’eau a coulé sous les ponts. La ville a été entièrement reconstruite, c’est même celle qui a les plus jolies terrasses du Japon. Des Américains jouent dans l’équipe de baseball des Carpes d’Hiroshima. Il y a des pêcheurs au bord des rivières, des mamans avec des poussettes et des écoliers tous les coins de rue. Bref, Hiroshima c'est une ville qui vit, et plutôt gaiment.

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